Montpellier, années 90, une voiture dans la nuit d'un samedi, quatre types interlopes à l'intérieur.
Lui : "Tiens, Éric, goûte ça."
Il me tend sa main sur laquelle trônait un léger filet blanc bien réparti.
Moi : "C'est quoi ? De la coke ?"
Lui : "Oui, tu vas voir, ça va te décupler, l'impression d'être toi-même, puissance dix…"
Sa main est à vingt centimètres de mon nez ; puis dix…
Moi : "Non. Je n'en ai pas envie."
Il insiste, représente sa main, je m'engonce dans la banquette arrière pour tout recul. Déçu, il me sert sa soupe, pour ne pas dire sa morale :
Lui : "Tu ne peux pas dire : je n'en ai pas envie. On ne peut pas dire : je n'ai pas envie concernant quelque chose que l'on ne connaît pas, qu'on n'a pas encore essayé. Essaie et ensuite tu pourras savoir si tu en as envie ou pas."
Pernicieux, l'animal… Il argumente tel un bon diable !
Moi : "Je n'ai pas envie de mourir, sans avoir encore essayé."
C'est du vécu. Tout en oubliant d'ajouter, qu'à ce moment-là j'avais déjà une bonne dizaine de joints dans la tête, étais donc dans un état second.
Tout ça pour dire que nous ne sommes pas égaux devant les psychotropes, ainsi du tabac ou de l'alcool. Dans l'état où je planais, c'eût été normal que je tentasse l'expérience… Mais non ! Tout ça pour dire que le cannabis — drogue douce — ne nous fait pas perdre tous nos moyens, nous restons conscients. Les défenseurs de la "théorie de l'escalade" claironnent sans savoir. Pur a priori d'épouvantails…
Il serait préférable, bien sûr, de ne pas goûter aux drogues douces trop jeunes. C'est raté : parmi les consommateurs, ce sont surtout les lycéens et les étudiants qui s'y adonnent.
Si vous voulez mon avis, le plus grand risque du cannabis — pour répondre à la question —, ce ne sont pas les effets, ce ne sont pas non plus les dealers, c'est le risque de se faire choper par la police en allant s'en procurer dans la rue ou dans certaines banlieues… Le plus grand danger du cannabis est la prise de risque pour s'en procurer !
Ceci dit, certains experts experts en coinçitude, soulignent les risques de schizophrénie ou autres troubles mentaux. Erreur : c'est seulement si vous avez des prédispositions ; et encore, les risques de schizophrénie concernent davantage les cocaïnomans que les petits fumeurs d'herbe ou de haschich.
Parmi les points positifs des drogues douces — au commencement, il y a le lâcher prise : le cannabis est un formidable pédagogue du lâcher prise… On souligne souvent son aspect récréatif — et ce n'est pas faux.
L'État aurait tout à y gagner — environ 2 milliards d'euros/an, d'après les estimations d'experts — en le dépénalisant et en le légalisant. De quel droit refuse-t-on cette liberté à des millions de consommateurs/trices ? Sans compter les risques sur la santé : avec l'État aux commandes, la qualité sans adjonctions d'adjuvants plus ou moins douteux serait garantie.
Alors, bien sûr, en ce moment même la question fait débat à l'Assemblée Nationale. Débat parasité par le scandale dans l'affaire Sarah Halimi dû à l'irresponsabilité pénale de Kobili Traoré. Les juges, par ce biais, font pression sur l'opinion, donc sur les Parlementaires. En effet, je soupçonne une manœuvre des juges pour oblitérer l'éventuelle dépénalisation, c'est flagrant. Flagrant parce que les drogues douces sont à l'étude parlementaire, flagrant par l'ignominieux non-lieu d'un criminel déresponsabilisé à tort… Eh oui, les juges peuvent parfois, à leur manière, par vent de côté — baroquement —, intervenir, peser dans le débat public, en dépit de la séparation des pouvoirs, socle de notre démocratie.
Personnellement — prenez ça tel un coming out, si vous voulez —, dans ma vie il m'est arrivé de consommer du cannabis ou de l'herbe. J'ai fumer au volant — j'étais le plus prudent des automobilistes, soucieux d'éviter les contrôles ; j'ai fumé en lisant, en étudiant parfois — mais jamais en écrivant ; j'ai fumé lors de soirées dansantes, fumé en faisant l'amour — et même en ne faisant rien de spécial. Bref, j'ai fumé à toutes les sauces, tous les cas de figure.
Mao disait que ce n'est pas l'arme à feu le danger, main la main qui s'en sert. De même que l'on peut consommer du cannabis avec raison, intelligemment. Ce verdict s'applique aussi aux cols blancs : ils s'adonnent plutôt à la coke — le shit étant pour les classes inférieures —, tout en sachant raison gardée.
Conclusion : le plus grand risque du cannabis est la prise de risque pour s'en procurer…
Source: quora.com by Éric Orthwein